Marge(s)

Introduction

L’activité économique de la presqu’île de Caen Depuis le début du XXème siècle, la presqu’île de Caen est la zone du développement des activités portuaires, industrielles et marchandes. L’activité traditionnelle du port de Caen liée au commerce de bois et de pierres fut progressivement supplantée par l’activité métallurgique avec de fortes importations de charbon et exportations de minerai de fer. Le développement de l’activité portuaire obligea, à plusieurs reprises, à approfondir le canal afin de pouvoir accueillir des navires à plus fort tonnage. L’ensemble des marchandises étaient acheminées sur rail jusqu’au canal créant un réseau de chemin de fer immense connecté à la gare de Caen et se prolongeant jusqu’à la mer. Lors de cette période d’expansion des activités portuaires, de nombreuses sociétés ont vu le jour dont certaines ont marqué l’histoire de la ville. Après avoir vécu de manière étroite avec son fleuve et le canal, la ville a progressivement perdu le lien avec son passé portuaire et la mer. Le projet Caen presqu’île au travers de la reconversion de la presqu’île industrialo-portuaire offre la possibilité de prolonger son histoire et de redéfinir ce trait d’union entre le cœur urbain et la mer. Seul bémol au tableau : les projets de restructuration du territoire de la prequ’île ne semblent pas avoir l’intention de garder toutes les entreprises de la presqu’île dans leurs nouveaux plans d’urbanisme. Contexte de crise économique Après une relative reprise de l'activité économique et un tassement de la hausse du chômage en 2011, la crise a pris une nouvelle dimension. Limitée d'abord à quelques Etats méridionaux (Grèce, Espagne, Portugal, Italie), elle s'est rapidement étendue à d'autres Etats européens dont la France avec en particulier un abaissement du niveau de sa notation, un durcissement des règles bancaires et financières, la mise en œuvre de mesures fiscales et de diminution des dépenses publiques, avec pour conséquences concrètes des taux de croissance et une activité économique en berne. Ainsi, depuis 2008, on note une montée du chômage, une baisse de la consommation et des carnets de commandes occasionnant d'une manière générale des difficultés pour les entreprises, une augmentation certes modérée du recours au chômage partiel, une hausse de l'épargne, du moins celle de précaution, la moins profitable à l'économie, et plus généralement par accroissement des situations de précarité et de difficultés financières. Il apparaît indubitablement que les conséquences de la crise survenue en 2008 seront durables et ce tant au plan économique que social. Comme partout en France, il ne se passe pas de jour sans qu'une fermeture d'usine, sans qu'un plan social fasse la une de l'actualité normande. Des centaines, des milliers d'emplois sont emportés par ce mouvement de désindustrialisation que la crise a accéléré. Derrière les chiffres bruts de l'actualité, il y a des hommes, des femmes, des familles. Dernier en date, à Condé-sur-Noireau, Honeywel doit fermer en juin 2013, bouleversant la vie des salariés et de leurs familles. Ma démarche a cette volonté de rendre compte de cette actualité. Car c'est en marge de la presqu'île cannaise que se trouveront mis un certain nombre d'entreprises après son réaménagement (fermetures, délocalisations etc.) changeant la vie d'un grand nombre d'hommes, de femmes et de familles.

Vue de la presqu'île Vue de la presqu'île Vue de la presqu'île Vue de la presqu'île Vue de la presqu'île

Recherche

Après un après-midi passé à arpenter la presqu’île avec mon appareil photo, j’ai fait un premier constat : la presqu’île est presque abandonnée. Presque. Quelques entreprises subsistent parmis ces ruines qui habitent ce territoire. Je me suis alors demandé où allaient être « placés » ou « déplacés » ces travailleurs après le réaménagement du territoire.

Est-il prévu de les laisser là ?

Vont-ils être contraints de partir ?

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Tout en y réfléchissant, j’ai commencé à manipuler les quelques photographies que j’avais prises : découpage, dessin, photomontage,…

Ces expérimentations du territoire "photocopié" m’ont amené à faire des rapprochements entre les différentes formes de marges. Trois d'entre elles m'ont semblé intéressantes.

• La marge sociale, celle dans laquelle se trouveront mis un grand nombre d’employés et de personnes résidents sur la presqu'île après son réaménagement.

• La marge du livre, de l’album, d'un plan.

• La marge d'erreur en statistiques, celle qui est une estimation de la confiance à accorder à un résultat.
  

Ma démarche aura donc cette volonté de rendre compte d'une vision instable, délinéarisée de l'espace qui se modifie, et qui n'est pas sans influence sur son paysage et sur ses hommes qui y résident.

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Le projet

La carte

Carte, 200 x 200 cm

Dans le cas d’un plan, la marge peut être un élément qui vient perturber sa lisibilité.

C’est sur cette idée que j’ai basé mon projet de dessin grand format.

J’ai utilisé comme base à ce travail, le cadastre de la presqu’île. Pour en perturber la lisibilité, j’y ai superposé des bandes blanches horizontales et verticales.

A chaque intersection de ces bandes correspond un bâtiment qui sera démoli lors du réaménagement de la presqu’île. Le fait est que ces bandes, n’effacent pas seulement le bâtiment en question mais bien tout le territoire alentour et même au delà de la presqu’île.

Ce n’est pas un hasard. De cette manière, je cherche à figurer l’influence d’un tel projet sur l’ensemble du territoire caennais.

Carte (détail)

Carte (détail)

L'album

Extrait de l'album photographique, 42 x 29,7 cm

Extrait de l'album photographique, 42 x 29,7 cm

Extrait de l'album photographique, 42 x 29,7 cm

Extrait de l'album photographique, 42 x 29,7 cm

Extrait de l'album photographique, 42 x 29,7 cm

Extrait de l'album photographique, 42 x 29,7 cm

À terme, les employés de la presqu’île seront déplacés ou licenciés.

J’ai donc voulu, pour cette seconde partie du projet, rendre compte, non plus seulement de la disparition des bâtiments, mais de la disparition des travailleurs.

Pour cela, photographier les employés devant leur entreprise, un peu comme une dernière fois, m’a paru intéressant.

À la sensibilité documentaire de ce projet d’album photographique, s’ajoute une volonté d’inventaire.

Seulement voilà.
De la même manière que la marge efface certaines parties du plan de la presqu’île, la marge de l’album efface ses résidents.

Ainsi, on ne voit plus les personnes photographiées, mais seulement leurs silhouettes un peu comme des futurs fantômes, des spectres en voient de totale disparition.

Les cartes postales

Cette troisième et dernière partie du projet fait appelle à la participation de chacun. Des cartes postales, représentant des lieux de la presqu'île, sont mises à la disposition des personnes présentes pendant la présentation du projet. Chacun peu se servir autant qu'il veut et même collectionner les 12 différentes cartes. Le but de cette proposition est qu'il ne reste plus rien d'autre que le support de présentation des cartes postales comme une métaphore de cette disparition de la presqu'île telle que nous la connaissons aujourd'hui, et qui ne sera plus demain.

Carte postale recto

Carte postale vero

Les photographies de l'installation in situ

Vue de l'installation

Vue de l'installation

Bibliographie

• Krugman Paul, 2009, Pourquoi les crises reviennent toujours, Editions du Seuil, Paris
• Le développement de la presqu'île industrialo-portuaire, sur caen-presquile.com