Utilisateur:A.jourdain
Territoire transitoire
Ce que je nomme territoire transitoire, sont des territoires qui ont connu un bouleversement dans la fonction qui leur ont été attribué au sein de la division territoriale de notre système de vie. En France le modèle de nos villes et de leur périphérie sont construit sous un schéma fonctionnel. Un centre homogène dans lequel s'entremêle commerce et appartement. Le péricentre quand à lui est découpé en des espaces plus hétérogènes, il y a des espaces d’habitation à côté d’espace de commerce et d’espace d’industrialisation et de production, mais ces activités ne s'entremêlent pas, des rôles sont ainsi assignés à des territoires définis. La transition de la fonction attribuée à un territoire entraîne un abandon progressif de ce même territoire pour permettre plus tard son repeuplement. Ces terrains désertés de toutes activités sont néanmoins réappropriés lors de cette phase transitoire, par des personnes considérées comme marginal, elles viennent s’y abriter.
Presqu'île de Caen
La presqu’ile caennaise territoire sur lequel l’école est construire est un exemple d’espace en transition. La presqu'île, est une ancienne zone industrielle et portuaire elle a connu d’importantes mutations ces dernières décennies, en effet, les industries présentes sur le territoires ont cessé leur activité et ont été délocalisé du faite de la division mondialisé du travail. Il est resté de cette presqu’ile un territoire à l’abandon couvert de bâtiment délaissé puis réoccupé sous forme de squat par des personnes sans abris ou réfugiés, ce territoire est également devenue le lieu de travail de femmes prostituées. Pourtant, l’avenir de la presqu'île est tout autre[1], depuis une dizaine d’années on observe un processus de gentrification du territoire de la presqu’ile, celui-ci proche du centre-ville est convoité par les prometteurs en effet il s’agit là de terrains ou il est possible de construire de nouveaux bâtiments modernes capables d'être un attrait important pour de jeunes familles ayant les moyens de s’y installer et n’étant que trop peu intéressé de vivre dans le centre-ville reconstruit qui aujourd’hui tend à devenir “démodé” avec des bâtiments en “fin de vie”.
Squats
section en construction
Démarche
Les domaines que je travaille se développent sont sous un angle social et historique, j’ai également un attrait développé pour l’usage des techniques de leur évolution et de leur histoire. J’ai grandi dans une ferme et j’ai développé un contact important avec le sol, la matière... Ce qui m’intéresse c’est d'analyser et d’interpréter plastiquement les territoires et plus particulièrement ceux en transitions. Le terre-plein des mielles ainsi que la cité coloniale à Cherbourg mais aussi le territoire de la presqu'île à Caen ou encore des éléments plus isolés tels que les squats ont été pour moi des sujets d’études et de travail plastique.
Je débute mon approche du territoire que je me suis défini en allant y faire des marches, elles me permettent de prendre la mesure de la situation qui s’y déroule au moment où je débute mon étude. Je parle d’étude car finalement je suis assez proche du domaine universitaire dans la manière de déployer mes recherches. Durant ces marches je prends des notes, je photographie, je rencontre des personnes, je prends des empreintes, ces éléments deviennent par la suite la matière qui me permet de produire des pièces. Je considère en certain aspect être proche de la démarche de certains artistes marcheurs tel qu’Hamish Fulton qui présente la documentation qui entours ses marches ou encore Francis Alÿs, pour son rapport poétique à l’appréhension du territoire, en particulier pour the green line, en 2004 et Reel / Unreel, en 2011, ces deux réalisations me touche d’autant plus du faite du contexte historique, social et politique des villes de Jérusalem et Kabul dans lesquelles il réalise ses projets.
Pour appréhender la ville de Caen je me suis intéressé au film La ville partagée d’Éric Banchot, ainsi qu’aux divers documentaires produit après la guerre par le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme sur la reconstruction de Caen ainsi qu’aux écrits du sociologue, philosophe et géographe Henri Lefebvre dans La révolution urbaine sur la conception des villes, il développe sous un angle marxiste que le processus de conception des villes n’est en rien naturel, mais qu’il s’agit d’un conglomérat de décision politique.
appréhension de la presqu'île
J’ai souhaité focaliser mes recherches et ma pratique autour de ce territoire qui aujourd’hui encore est occupé par ces populations dites marginalisés. Dans ce processus de gentrification elles et ils vont perdre cette liberté qu’ils ont d’occuper ce territoire. Dans ma pratique j’ai souhaité retranscrire les notions d’arpentage du territoire mettre en avant mon ressenti et interprétation des lieux, mais surtout donner la voix à ces personnes. Par ailleurs, dans ma pratique il y a un aspect sociologique, qui tend à se développer. Le travail que j’ai déployé autour de ces espaces se regroupe sous une pratique qu’on pourrait considérer comme étant de l’archivage. J'arpente le territoire en récoltant des empreintes, des témoignages, des photographies… Ces ressources collectées sont pour moi de la matière que j’utilise au sein de mon travail plastique. Lors de mon premier cycle j’ai essentiellement présenté des empreintes pour ce qu’elles étaient, c’est-à-dire une image par contact mais lors de cette troisième année, j’ai souhaité faire évoluer ce rapport très formaliste vers une pratique plus sensible. Dans le cadre de mon travail sculptural, je continue à empreinter le sol, à capturer des gestes, tout en leur donnant de nouvelle forme, qu’à première vue nous n'ayons pas la simple impression d’être face à des empreintes, en somme ces empreintes deviennent la matière constituante de mon travail. Je tends à m'émanciper de l’approche formaliste, mais il est important que j’arrive à garder la part sociale que j’ai aujourd’hui dans mon travail.
Caen Presqu'île
Regard d'un habitant
Témoignage d'un homme racontent son expérience de la presqu'île, sans abris depuis 2012 il a
trouvé refuge sur la presqu'île en revenant sur Caen, il s'exprime sur le projet Caen Presqu'île.
Empruntes
Lors de mon approche du territoire par la marche, j’ai amené avec moi des rouleaux de céramique en terre fraîche, je les ai posés au sol et roulés. Je souhaitais à travers les parcours réalisés qu’ils se déforment, qu’ils agglomèrent à leur surface les résidus rencontrés sur leur passage : cailloux, déchets ou végétaux, ces éléments sous l’effet de la cuisson se sont transformés et sont venus partiellement émailler la surface de ces céramiques. Ces objets sur lesquels viennent s’agglomérer de nombreux éléments extérieurs lors d’une marche, m’évoque les chaussures magnétiques de Francis Alÿs. J’ai souhaité les connecter ensemble au sein d’un réseau, pour les reconstituer au sein d’une même pièce, un peu sous la forme de morceau de terres reliés entre eux par des racines, mais aussi je considère que cette ligne vient marquer les contours d’un parcours.
