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De atlas Caen
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Le viaduc de Calix : un pont entre les contraires

Auteurs : [Amélie Villet] [Chloé Le Bris] [Vincent Girard] [Grégoire Quillet] Morgane Velut


Lors de notre balade sur la presqu’île de Caen le 30 septembre 2019, un élément du paysage a retenu notre attention tant par son ossature que par la sensation qu’il procure.
Il est là, sans être là réellement. Le temps semble suspendu, arrêté. Il se déroule au-dessus de la presqu’île. C’est le pont de Calix.
Dans l'optique où la presqu'île connaît une
réhabilitation constante et un urbanisme naissant, comment ce viaduc peut-il ou non s’intégrer au dessin de ce nouveau paysage, la fonction et l’attractivité de cet espace peuvent-ils
jouer un rôle clé dans la réinvention de la presqu’île ?


Le périmètre de notre étude étant le pont de Calix et son ancrage ou non-ancrage à la presqu’île de Caen, il apparaît nécessaire d’étudier les caractéristiques d’un pont et de celui-ci en particulier.

Qu’est-ce qu’un pont ? De prime abord la réponse paraît simple et dénuée d’intérêt, de sens. C’est un ouvrage, une construction élevée, reliant deux points, deux côtés d’un obstacle et permettant de le franchir. Néanmoins, la diversité de pont est riche et constitue l’objet d’études interdisciplinaires. Le pont ne constitue pas seulement une forme physique, il est aussi une image mentale : une transition, un franchissement, un lieu de passage obligatoire dans la vie. Les formes latine pons et grecque pontos possèdent la même racine indo- européenne, pent, signifiant « passage ». Toute une métaphysique caractérise cette construction. Ainsi le pont revient dans de nombreuses cultures, religions mais aussi dans diverses créations artistiques.

À travers un pont, l’homme lie le séparer, il confronte la Nature, il résiste à la configuration des éléments qu’elle propose et la domine.

Nous nous sommes attardé.e.s sur le viaduc de Calix mais particulièrement sur le dessous de ce pont, puisqu’en réalité la partie supérieure survole seulement la presqu’île, tel un obstacle, pour l’oublier, la rayer. C’est pourquoi, les termes de travée, de culée ou de portée, pour désigner les espaces en-dessous sont très peu connus. Dans l’idée générale, le dessous d’un pont revêt une connotation péjorative. C’est un endroit inhospitalier, hostile. Métaphoriquement, le dessous d’un pont peut être comparé au-dessous d’un lit, le lieu où les monstres se cachent. Ça serait un endroit dangereux : « les habitants du rivage, voleurs et assassins, rendent la terre aussi dangereuse que la mer est perfide » (Ovide, Tristes).



Retour sur l’histoire du pont de Calix

Le viaduc de Calix est un ouvrage construit en 1971 entre Hérouville et Mondeville pour permettre à Caen d’être mieux desservi (bassin d’emploi). Il enjambe ainsi par deux fois l’Orne. Le viaduc de Calix n’est alors pas le premier à posséder ce nom puisqu’un « pont de Calix » reliait autrefois (il a été détruit au cours de la seconde guerre mondiale) Hérouville à la presqu’île.

Aujourd’hui plus de 80 000 véhicules le traversent chaque jour ce qui crée beaucoup de mouvements, de vitesse et de pollution. Sur la presqu’île, le pont traverse une zone classée Seveso (stockage pétrolier).


Paradoxe : une structure liant et séparant
Bien que le pont de Calix lie Hérouville à Mondeville ou Mondeville à Hérouville, il marginalise également la presqu’île. Cette construction est en contraste avec la partie supérieure. En effet, lors de notre ballade en- dessous du pont, nous fûmes frappé.e.s, certes par l’odeur de pétrole qui émane, mais aussi et surtout par la notion de temps qu’y s’en dégage. A l’inverse de la partie supérieure, au niveau de la presqu’île règne un certain calme, comme si le temps était suspendu. Il y avait peu de passage, seulement quelques camions et voitures circulaient dans les alentours, comme si cette partie était boudée. De plus, l’aspect « sauvage » d’en- dessous contraste avec la volonté de lien conféré au pont. Bien que ce soit bétonné autour des piliers du pont, la nature semble reprendre ses droits petit à petit : les rails, traces du passé de la presqu’île, sont recouverts peu à peu par le sol, la végétation. L’obscurité qui s’y trouve détonne avec la partie supérieure, exposée à la lumière. En effet, le pont impose une ombre forte sur la presqu’île, bloquant la lumière et la vue. Le pont sépare et participe à la marginalisation que peut connaître la presqu’île, son enclavement. Les voitures la traversent sur toute sa largeur, la coupent et l’oublient : ils passent au-dessus sans la regarder.

La notion de rupture s’exprime de manières différentes au viaduc de Calix, parfois clairement parfois non.

La rupture est tout d’abord visuelle. Le pont bloque la lumière dans les environs et sa structure imposante fait que visuellement, il est impossible de le louper. Il y a une rupture horizontale. En effet, le dessus du pont se caractérise par la vitesse, les mouvements, les véhicules, la pollution, le bruit, l’horizon ; tandis que le dessous du pont se détermine par le calme, le bruit lointain, la désorganisation, le temps arrêté ou suspendu. Il y a aussi rupture vis à vis de l’activité qui se trouve au sol. Du côté Ouest de la presqu’île, le secteur est principalement occupé par des infrastructures de types culturelles (école, salle de concert, bibliothèque...) et des entreprises. Alors que côté Est, le paysage relève plus de la friche, du terrain vague où seuls quelques entreprises (principalement portuaire) continue d’exercer. Il y a donc un dimorphisme économique, urbain et culturelle entre les deux côtés du pont.

Mais la rupture est aussi symbolique. Le pont symbolise un “aller vers”, il est un ouvrage d’art immuable qui permet de traverser une frontière physique, mentale ou spirituelle, d’aller chez l’autre. Il s’agit plus précisément d’un espace de neutralité entre soi et l’autre. Une place étrange où s’opère un voyage extraordinaire. C’est un lieu paradoxal où les choses situées en-dessous n’existent pas, sont reléguées à l’état de rebus et pourtant il est aussi vecteur d’activité et donc de vie. En effet, il crée un ensemble d’aménagement urbain : le pont crée le lieu. Le dessous du pont peut être envisagé comme impasse, lieu où le début et la fin n’existe pas, le lien entre les deux rives est coupé, où une différence s’opère entre le dessus et le dessous. Le dessous comme oxymore du dessus. Le pont est à la fois le passage et la stagnation.

« Les séparations n’existent que parce que les liaisons existent » (Pont et Porte)
La question de rupture et l’ambivalence du pont reflète toute la réflexion menée sur l’enclavement de la presqu’île et le travail effectué sur cette dernière en terme de réhabilitation. Nous avons donc décidé de nous attarder sur cette question, le rôle tenu sur la presqu’île de Caen et la manière dont elle peut être utilisée, contournée, devancée. L’idée serait d’inverser la problématique du pont, de changer l’image de celui-ci, d’en faire un lieu de richesse en contraste avec le dessus.

Dans une notion de réhabilitation, il faudrait pouvoir renforcer les opposés existants entre le dessus du viaduc et son “sol”. Comme écrit plus haut, il y a une dualité palpable et intéressante : la notion de vitesse, de transport, de mouvements (de flux) infinis et répétitifs de circulation, d’éventuelles pollutions produites etc ; tout cela, face à un endroit tout aussi linéaire mais où le temps s’est bloqué, s’est perdu, et à laissé la nature et l’industrie se servir.

Faudrait-il donc imaginer un re-nouveau en mettant l’accent sur ces points ? Rendre cet espace temporairement lent et flâneur attractif en équation avec le reste du nouvel urbanisme presqu’îlien à venir ? Comment tenir compte de l’activité industrielle présente (et possiblement indétrônable) ? Comment imaginer un espace qui se régule et se complète avec le dessus? Proposer des idées d’espaces verts qui annulent ou du moins qui réduit la pollution produite? Comment accentuer la rupture avec la linéarité de la voie ?Jouer avec les piliers ? Constituer des compartiments aux fonctions différentes entre chaque (espace entre 4 piliers) (Se faisant, ces questions pourrait peut- être à terme, inverser la symbolique du “sous les ponts” qui à une connotation négative, funeste, misérable et repoussante*).

Base Nord côté Hérouville du viaduc de Calix