Contagion
Toujours j’entends. Je vois dans les médias. Dans les mots des gens. Un dégoût. Triste et cruel pour la banlieue. Ce que l’on nomme la banlieue. Ces tours immenses. Ces gens que l’on stocke là. Parce qu’il n’y a pas de place ailleurs. Et pourtant dans ma tête et dans mon coeur. C’est des vies qui se jouent. Des drames qui s’écrivent. Dans le sang parfois. Mais aussi de l’amour, des comédies. Tout. Tout une vie. Des vies. De l’autre côté. Ceux qu’on entends pas. Ceux qu’on ne voit pas. La banlieue pavillonnaire. Froide. Molle. Absente. Sans vie. Et qui pourtant s’impose. Partout. Dans toutes les campagnes du monde. Jusque dans les déserts. C’est le portrait de ces endroits que je dresse aujourd’hui. Antichambre de l’hôpital ou tout le monde ira finir sa vie. Antithèse de la nature et de la vie. Crachat venimeux de l’homme sur la nature. Comme pour bien lui montrer. Que. De toute façon. Quoi qu’il arrive. Il n’en a plus rien à faire.
Chacun trace sa route. A travers la campagne. Quelques champs. Des monceaux de betteraves à sucre. Un pavillon. Puis une dizaine. Une centaine. Un millier. Un millier de pavillon. Plus ou moins différents. Plus ou moins toujours les mêmes. Un millier de verrues gerbantes qui poussent à travers les champs. Las des villes et de leurs tours. Les hommes ont rêvé d’un retour à la terre. La terre ? Qu’en reste-t-il ici ? Une carte postale. Un cliché surfait. Défait. Refait. Une pelouse digne d’un centre commercial américain. Nature d’apparence. Sans naturel.
Les années avancent. Les verrues se propagent. C’est une infection. Planétaire. On se traine dans la boue et chacun rêve de ce petit carré. Symbole de la réussite. Symbole de la vie qu’il faut. De la vie qu’on veut. Un petit carré vert. Et la même maison que tout le monde. Ca nous donne l’impression d’être unique. En banlieue pavillonnaire. Derrière les sourires c’est la guerre qui se prépare. La guerre des égo. Bientôt rien ne sera plus comme avant. Et la surface de la terre sera. Recouverte. Recouverte. Recouverte. Recouverte d’un parterre horrible. 15 milliards de verrues entourées de leur carré vert. Symboles infectieux de la somme des égos. Egoisme triomphant. Bien caché derrière nos petites barrières tellement charmantes. Cloisonnés. Parlerons nous encore au voisin ? Seulement pour lui demander d’arrêter. La musique. Le barbecue. Ou la tondeuse. Parce que ce n’est pas le temps. Pas le moment. Pas tout de suite. Rien ne ME va plus. Enfermé dans sur mon terrain. L’autre me fait peur. Je laisse encore mes enfants jouer dans la rue. Mais derrière le rideau. Inquiet. Je regarde ces petits. Etranges. Etrangers. Demain. Devant leur parent je sourirai.
Cloison. Dehors les petits arbres. Dedans de grands vides. La famille. Repliée sur elle même. Implose. Explose. Projetant des millions de gouttes de tristesse. De détresse. Dans le karma du monde. Déchirure. Le lien. Se dénoue. Plus personne ne se croise. Devant les écrans. Un dans chaque pièce. Cinq dans chaque carré cloisonné. 75 milliards d’écrans. Je connais ces gens que je ne connais pas. Je suis connecté avec des gens avec lesquels je n‘ai aucune connexion. Derrière mes murs. Je regarde les gens sur la surface plate. Avec mes lunettes. Je peux les voir en trois dimensions. Ils sont là. Sans pouvoir me toucher. Me prendre dans leur bras. Me rassurer. JE suis un nouvel esclave de la caverne. Mes ancêtres se sont battus ensemble. Pour sortir de leur ignorance. En pleine conscience. Je retourne dedans. Les choses sont plus simples dans ma banlieue pavillonnaire. Je n’ai pas de questions à me poser. Travaillons. Emmagasinons de l’argent. Fuyons les villes. ENFERMONS NOUS ET VIVONS SEULS POUR QUE PERSONNE JAMAIS NE PUISSE NOUS CONTREDIRE.
Banlieue flippante. Sans battement. Le cœur vide. Presque mort. Assistance respiratoire. Un morceau de musique s’élève d’un des fenêtres. Une guitare essaie de tout cramer. Tu verras petit homme. Dans vingt ans. Tu prieras pour ton petit carré.