Ripisylve
Projet Ripisylve
Groupe 4 : Amélie Asturias, Camilo Bayter, Nolwen Le Chevalier, Olga Weil-Flachat
Notre périmètre de réflexion : Le Cours Caffarelli, une promenade au bord de l'Orne

Le nom de notre projet, Ripisylve, vient du latin ripa, la rive, et silva, la forêt. Ce mot désigne l'ensemble des formations boisées qui se trouvent aux abords d'un cours d'eau. Quoi de mieux pour décrire le Cours Caffarelli, promenade qui borde l'Orne depuis le XIXè siècle ?
Au cours d'une sortie sur la Presqu'île de Caen, impossible de ne pas passer par le Cours Caffarelli et s'arrêter à la vue des magnifiques allées d'érables bordant l'Orne. Ce paysage bucolique pourrait inviter à la contemplation et à la rêverie si l'on n'était pas constamment dérangé.e par les passages incessants des camions et voitures qui traversent la Presqu'île avec vitesse et cacophonie. Si l'on s'y penche d'un peu plus près, le lieu, loin d'être un écrin de verdure en bord de rivière, pourrait presque sembler hostile : bourdonnement de fond provenant de la circulation sur le Viaduc de Calix, vrombissement des moteurs traversant la Presqu'île, absence criante de trottoirs et de signalisation, passages piétons qui ne mènent nulle part, odeurs de pétrole... Notre première approche de l'endroit a été marquée par ce trop plein de stimuli, qui submergent les sens et peuvent empêcher d'appréhender le Cours Caffarelli comme un lieu de promenade. On y croise pourtant de nombreux.ses piéton.nes, des promeneurs.euses avec leurs chiens, des groupes de course, des prostituées et des habitant.es des squats tout proches - preuve qu'il a gardé son rôle originel de promenade. Au fil de notre travail, nous avons donc tenté de démêler toutes les trajectoires qui traversent, franchissent ou encore survolent ce Cours Caffarelli


Perspective historique
Dès nos premiers pas sur la Presqu'île, nous avons été frappé.es par les nombreuses marques du passé qui s'y trouvent. Autour du Cours Cafarelli, la superposition des différentes utilisations et histoires de ce territoire nous a particulièrement intéressé.es. Nous avons tenté de déchiffrer dans ce palimpseste ce que l'espace avait à nous montrer.

Pour réellement comprendre les évolutions et enjeux territoriaux de cet espace si particulier, il est nécessaire de faire un saut dans le passé et étudier de manière simultanée les grands cours de Caen. Le 2 décembre 1809, sur les Rives de l’Orne, les Cours Caffarelli et Montalivet sont inaugurés. A cette époque, des rangées d’érables sont plantées et les paysagistes travaillent à la liaison entre l'Orne et ses rives afin de créer un sentier de promenades à l'échelle de la ville. C'est également à cette période que l'Orne va être de plus en plus canalisée pour la rendre praticable. Au fil des années, l'aspect bucolique de cette promenade du Cours Caffarelli va être apprécié par les promeneurs.euses mais également par les artistes qui n'hésiterons pas à emporter leurs pinceaux et chevalets le temps de peindre les couleurs de fin de journée qui se reflètent sur l'Orne et les lumières qui traversent les feuilles des érables. Historiquement, le Cours Caffarelli avait donc un véritable rôle de promenade. On venait sur le Cours pour flâner et prendre le temps d'observer la nature environnante. Aujourd'hui, cette identité de promenade linéaire a parfois tendance à être noyée dans le trop-plein de stimuli qui se concentrent dans cet espace mais le Cours Caffarelli conserve malgré tout des caractéristiques qui lui sont propres.

Aujourd'hui, le Cours Caffarelli est le point névralgique de nombreuses trajectoires

Tout au long de notre travail, nous avons fait le choix de nous positionner en tant que piéton.nes touché.es par la singularité de la promenade Caffarelli. Elle est en effet un lieu de rencontre de nombreuses trajectoires piétonnes entre Caen, Mondeville, Hérouville, Colombelles et les différents points de la Presqu'île. Nous avons ainsi souhaité axer nos travaux sur la mise en avant des liens entre le Cours, l'Orne, l'allée d'arbres et le ciel. Nous nous questionnons alors sur un aménagement du Cours Caffarelli qui favoriserait les trajectoires piétonnes et cyclistes en s'appuyant sur les éléments existants que sont l'eau et les arbres, et en les sublimant. En invoquant l'imaginaire d'une promenade paisible en forêt au bord de l'eau - à l'instar de l'identité historique du Cours Caffarelli - nous proposons ainsi d'aboutir à un aménagement pacifié, agréable et stimulant de cet espace.







Comment étoffer les trajectoires qui traversent le Cours Caffarelli pour se défaire de l'identité linéaire et vertical de l'espace ?
Des inspirations diverses au service d'une appréhension globale du Cours Caffarelli
Le traitement de l'espace Cours Caffarelli-Orne que nous proposons s'appuie sur des références théoriques et plastiques, d'oeuvres d'art et d'exemples d'aménagements urbains qui nous inspiré.es. Nous avons commencé par l'incontournable travail de Willy Mas de l'agence MVRDV, qui établit le plan-guide d'aménagement de la Presqu'île pour les années à venir. En reprenant ses grands principes, nous avons eu à coeur de mettre en avant "l'identité nautique" du lieu, de "favoriser l'écomobilité" et de valoriser "la place de la nature en ville". Au sein de leur plan guide, il est d'ailleurs question de la "ripisyvle" au sud-est de la presqu'île. Les réflexions sur la presqu'île ne sont cependant pas les seuls travaux de MVRDV à nous avoir inspiré.es. L'agence est en effet également à l'origine de la construction d'un pont végétal à Séoul. Le Skygarden Seoullo 7017 est une ancienne autoroute qui traversait la ville, transformée aujourd'hui en un parc végétal aérien, qui permet de nombreuses nouvelles trajectoires piéton.nes et cyclistes à travers la mégapole. Cette réalisation nous a donné envie de travailler sur la présence des arbres dans la ville et plus particulièrement sur les ponts.
Plusieurs ponts de Copenhague nous ont intéressé.es. Le Cirkelbroen de Olafur Eliasson pour commencer est un exemple de pont innovant, qui améliore la mobilité dans la ville et créé un nouvel espace public de rencontre et de flânerie. Le Cykelslangen de Dissing+Weitling nous a intéressé.es pour ses propriétés visuelles et sensorielles. Sa couleur orange et sa sinuosité détonnent avec le reste du paysage, et sa surélévation permet aux cyclistes de survoler la ville, leur mobilité s'en trouvant facilité et leur perception des espaces modifiée.
Au delà de la notion de pont, nous avons également voulu travailler sur la possibilité d'offrir une multiplicité de trajectoires au sein d'un même espace. Dans la ville colombienne de Monteria, le parc linéaire Ronda del sinù offre un exemple très intéressant de jeu entre les chemins piétonniers et les pistes cyclables, qui s'éloignent et se rejoignent, parfois entrecoupés par des espaces circulaires de rencontre.
Nos réflexions ont également été nourries par les nombreux travaux scientifiques et artistiques portant sur la place de la nature en ville, et tout particulièrement celle des arbres. Pour l'écologue Marc Barra : "L’arbre urbain rend des services en matière de rafraîchissement, d’abri pour la biodiversité et de stockage carbone. Il faut se préoccuper de leur rôle et de leur avenir notamment en rapport aux changements climatiques". Il appelle ainsi à conserver "les vieux tilleuls et les érables, puis imaginer un aménagement autour". C'est la démarche que nous avons choisie d'adopter sur le Cours Caffarelli, dans l'optique d'y magnifier les vieux érables.
Nous avons aussi été très intéressé.es par les travaux de l'artiste belge Luc Schuiten, qui imagine des Cités Végétales et Cités Archiborescentes, villes futuristes toujours recouvertes de végétation.
Pour finir, nos idées portant sur la modification de la perception des espaces nous ont amené.es à travailler sur les reflets et miroirs. Dans son travail, Anish Kapoor a beaucoup traité l'acier inoxydable comme surface réflexive et qui permet de déformer la réalité. Nous avons étudié plus particulièrement les cas du Sky Mirror et du Cloud Gate de Chicago. Ces oeuvres contiennent des miroirs respectivement convexes et concaves qui offrent aux passant.es une vision déformée et nouvelle de l'espace dans lequel ils évoluent.
Créer de nouvelles trajectoires pour permettre et influencer de nouveaux usages du lieu
En parvenant à créer de nouvelles trajectoires piétonnes et cyclistes, l'espace pourra progressivement revêtir une nouvelle identité. Loin de n'être qu'un espace de passage vertical et essentiellement linéaire, il sera possible de ne plus seulement regarder l'Orne depuis la rive mais bel et bien de la traverser et ainsi de faire se croiser et s'entrecroiser différentes trajectoires. En faisait émerger des trajectoires sur et au bord de l'Orne, la perception de l'espace pourra être durablement changée. Les ponts, outre leur rôle de liaison direct entre un point A et un point B, peuvent être considérés comme des espaces à part entière. Des espaces qui peuvent alors être occupés et utilisés. Pour jouer, pour se poser, pour observer. Pas à pas, l'Orne ne sera plus seulement un paysage à observer mais deviendra un paysage duquel s'emparer.
Grâce à notre travail autour des miroirs et de la perception du monde environnant, la réalité à laquelle on ne prêtait pas forcément attention en temps normal s'en trouvera magnifiée. Avec un miroir grossissant à la surface de l'eau par exemple, impossible de passer à côté des poules d'eau sans les remarquer et prendre le temps d'observer leurs petites habitudes. Avec des miroirs concaves et convexes à la jonction des arbres et du Cours, impossible également de ne pas être tenté.e de lever la tête pour regarder les nuages ou encore essayer d'apercevoir la cime des érables. Ainsi, en étoffant les trajectoires de ce Cours Caffarelli, en jouant sur les textures et les couleurs, en s'appuyant sur l'existant et en travaillant sur les lignes et mouvements qui traversent cet espace, on peut imaginer que ce territoire deviendra peu à peu un lieu apaisé, pacifié, agréable et stimulant. Les trajectoires n'étant plus seulement linéaires et verticales, elles permettront aux piéton.nes de se retrouver (soi-même, avec la nature alentour...) au coeur de ce territoire si particulier qu'est le Cours Caffarelli.
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Sources
- DISSING+WEITLING architecture - http://www.dw.dk
- Olafur Eliasson - https://olafureliasson.net
- Anish Kapoor - https://anishkapoor.com
- Luc Schuiten - https://www.vegetalcity.net
- MVRDV Agency - https://mvrdv.nl
- "Faire la ville nature", Frédérique Triballeau - https://dixit.net/nb/ville-nature
- "La vie urbaine des arbres", Frédérique Triballeau - https://dixit.net/nb/arbres-urbains
- "La méthode Miyawaki de plantation d'arbres" - http://urban-forests.com/technique-methode-miyawaki/